© Emily Burgos
Quand on écoute la musique de Jupiter-8, on se retrouve dans un univers très référencé dans lequel se côtoient tous les genres majeurs du cinéma populaire Américain . Son blaze est carrément tiré du synthétiseur analogique de chez Roland qui a permit à Harold Faltermeyer de composer Axel F, le thème phare du « Flic de Beverlly Hills ».
Ses mélodies agissent alors comme des madeleines de Proust, qui nous rappellent le bon temps du vidéo club, des cartouches de Super Nes dans lesquels on souffle et d’une époque insouciante où le divertissement tel qu’on peux le voir aujourd’hui prenait racine.
Avec une soixantaine de projets à son actif, on peux dire que le mec ne chôme pas et il n’a pas l’air d’avoir encore tout dit ou plutôt d’avoir tout composé.
J’ai donc décidé de l’interviewé et il m’a gracieusement permis d’avoir, ici même, l’exclusivité d’une semaine d’écoute de son dernier projet « The Hit », un album inspiré de GTA Vice City. Celui ci est écoutable en fin d’article.
Tout d’abord, si on regarde ton profil Bandcamp, tu a directement commencé par sortir un album en juillet 2013. On percevait déjà, malgré un coté assez cheap par rapport à tes derniers projets, que les années 80 t’avait profondément marqué. Encore maintenant, toute ta musique est un ode à l’esthétisme et aux sonorités de cette décennie. Tu a grandi dans les années 90 pourtant, pourquoi cette époque plus qu’une autre ?
J’ai toujours aimé les films des années 80. De part leur bandes-originales ou encore la manière dont ils étaient réalisés. C’est cela qui m’a, en quelque sorte, propulsé dans cet univers.
Tu a fait des études de musiques auparavant ?
Pas vraiment. Je prenais des cours de guitare dans une MJC, mais je n’ai jamais fait vraiment de solfège. Par contre, il m’arrive de temps en temps d’étudier de mon côté, en freelance cet aspect.
Hors compositeurs de soundtracks de films ou de série, tu affectionne des musiciens, groupes, chanteurs en particulier ?
Oui, j’écoute pas mal de choses très différentes les unes des autres. J’aime beaucoup le Heavy Métal, le Trash ou le Hard Rock avec des groupes comme Metallica, Iron Maiden, etc… mais j’ai eu une période où j’écoutais énormément de Yngwie Malmsteen et de Rainbow. Sinon en ce moment j’écoute du Smooth Jazz avec des artistes comme Lee Ritenour où Tom Scott, ce qui n’a plus grand chose à voir avec le métal ! J’aime beaucoup aussi le groupe Tangerine Dream qui avait travaillé sur de nombreuse B.O et j’affectionne la variété française avec Johnny Halliday, Eddie Mitchell ou Michel Sardou.
Tu doit avoir vu beaucoup de films aussi ! Sur la scène Synthwave, dont tu fait partie, tu est considéré comme un hyper-actif. Tes releases sont fréquents et on peut se demander où tu trouves toute cette inspiration. Quels B.O de films et séries t’ont particulièrement marqué du coup ? On veux des noms de compositeurs !
Oui je suis très vaillant. Je travaille spontanément, dès que j’ai une idée, je m’y met directement. Je m’inspire en écoutant d’autres bande sons ou en regardant des films. En compositeurs j’aime bien Harold Faltermeyer, Alan Silvestri, Giorgio Moroder et surtout John Carpenter. Je reste très classique la dessus, malgré mon affection pour des compositeurs moins connus comme Chuck Cirino qui avait composé pour Chopping Mall. La musique dans un film est très importante, mais n’a plus la même place dans les productions d’aujourd’hui. Les synthétiseurs pouvaient faire des super sons et il y a pas mal de morceaux qui rendaient très bien à l’écran qui étaient au final assez minimalistes.
On notera que la bande originale de Chopping Mall est sorti en Juillet 2014 sur le label Waxwork Records.
Tu réalise des courts métrages sous le nom « Guts Production », tu compose des morceaux pour chacun d’eux. Pour toi le son et l’image, ça va de pair ?
Complétement, c’était l’occasion de composer pour de vrai films ! Comme je le disais, la musique est très importante dans un film et réaliser en illustrant musicalement les scènes, je trouvais ça super, ça faisait comme Carpenter et au moins j’étais sur d’aimer la bande originale à la fin.
Un court métrage typique de la Guts Production.
Pour moi, ta façon de faire est plutôt intégriste, dans le sens où tu fait vraiment les choses « à l’ancienne ». Tes compos sont de purs morceaux qu’on aurait pu entendre dans un film des années 80, alors que d’autres artistes catégorisé pourtant dans la même scène mélangent des sonorités d’italo -disco à d’autres beaucoup plus violente et modernes. J’affectionne, les deux façons de faire, mais au final, c’est pas encore une étiquette un peu idiote la Synthwave ?
La Synthwave c’est très vaste, dedans il y a plusieurs courants musicaux. Je qualifierai plus ma musique de soundtrack. Certaines personnes la mettent dans l’horrorwave aussi à cause de mes nombreux albums horreur. Après je ne dirais pas que c’est idiot comme étiquette mais j’encouragerais plus les gens à écouter les sous genre de ce style.
Ton dernier album est un hommage à « GTAVice City ». Encore une fois, on est dans un registre totalement 80’s qui correspond à l’univers du titre de Rockstar Games. Tu a aussi fait des reprises de Castlevania ou Ninja Gaiden ? Est-tu un fervent défenseur des vieux jeux de la période 80, ou achète tu aussi les nouveautès ?
Je suis adepte du retro gaming, cependant, il m’arrive de faire des titres récents. Je suis un fan des GTA, je joue aux Call of Duty aussi mais là où je m’amuse le plus, c’est avec les softs de gestion ou de stratégie, je passe par exemple des heures sur Sim City ou Roller Coaster Tycoon.
Et il y a des bandes originales de jeux vidéos qui t’ont touchés ?
Un bon nombre. J’adore les musiques de Street Fighter 2 et des jeux de Super Nintendo en général, mais particulièrement des RPG comme Secret of Mana. J’ai découvert plus tard les OST’s de Ninja Gaiden et de Castlevania que j’ai adoré, c’est pour ça qu’elles m’ont inspirés pour deux de mes derniers EP’s.
Une cover assez cool de Castlevania II par Jupiter-8.
Les Artworks de tes derniers projets ont vraiment de la gueule ! Je pense particulièrement à celle de Texas Werewolf. C’est de toi ou tu bosse avec un graphiste ?
Je travaille avec des graphistes qui gèrent bien. Texas Werewolf est le fruit du travaille de Cordery FX, une boite australienne qui travaille sur Lieutnant Jangles, un film australien pour lequel je fait la B.O. Sinon c’est Havana Chase qui réalise les artworks, notamment celui de « The Unknown ».
Toujours en lien avec le graphisme, tu lis des BD, Comics ou Mangas ?
Pas vraiment, j’en ai plus ou moins lu. Ça allait de Dragon Ball à Asterix, en passant par Spider- Man et ses copains. Je peux pas vraiment dire que je soit un fin connaisseur.
Tu à eu droit à une sortie physique de ton projet « Lone Rider » sur CD et K7 (malheureusement, braves gens, les 2 formats sont épuisées), sortie chez Werkstatt Recordings en début d’année dernière. Ça t’a fait quoi, de voir ta musique concrétisé sur un format qu’on peux toucher ? Comment ça s’est goupillé et compte tu réitéré la formule ?
C’était génial, je voulais faire ça depuis longtemps et ce label m’a permis de concrétiser le truc. C’est une sorte d’aboutissement en fait, et j’aimerais bien reproduire le schéma ça c’est sur !
Comme beaucoup de gens de la « génération Internet », tu l’a joué self made man et aujourd’hui, tu vends ta musique un peu partout dans le monde, bien que résidant en France. C’est assez cool de voir que ton travail peux être écouté sur une bonne partie du globe. Tu pense quoi des grosses maisons de disques à notre époque ?
Je pense que c’est très élitiste et même carrément bouché. Et au delà de ça, je n’ai pas vraiment confiance en ces boîtes. De toute façon, je suis trop petit pour qu’elles s’intéressent à moi. Ce qui est fascinant avec internet et plus directement Bandcamp et Soundcloud, c’est qu’on peut vraiment écouter de tout, ça ne se limite pas aux goût d’une maison de disque, qui ne sort que ce qu’elle à décidé d’être légitime et en adéquation à son business.
Pour le moment, tu n’a pas fait de live. Ça te tenterai ? J’imagine bien tout le visuel qui pourrait accompagner tes compositions sur scène.
Ça ne m’a jamais tenté. Je vois pas vraiment comment je pourrait m’y prendre. Je préfère faire mon truc, rester dans l’ombre mais c’est net que question visuel le public aurait été gâté, très gâté !
A ce que je sais, ta musique est entièrement composée via un clavier midi et un ordinateur. Grâce à Fruity Loops et ses VST, tu émule beaucoup de synthétiseurs d’époque. Si tu avais les moyen d’en posséder un en vrai, le(s)quel(s) serai(en)t-ce ?
Je prendrait tout d’abord un Fairlight CMI qui fut utilisé par Jan Hammer pour la composition de la musique de la série Miami Vice, ensuite un Jupiter-8, Prophet V, Arp 2600, Oberheim OB-X, Emulator I et II, Yamaha DX-7 . Et pour les boîtes à rythme une Linn Drum LM-1 et LM-2, une TR-808, une Drumulator et je pense que ce serait tout…
Herbie « Fucking » Hancock avec son Fairlight CMI.
L’évènement récent, c’était inévitablement la sortie de « The Force Awakens » Ayant surement grandi avec la trilogie originale, qu’en à tu pensé ?
Pour moi Star Wars, ça restera « Un Nouvel Espoir », « L’Empire contre-attaque » et « Le Retour du Jedi ».
Tu a déjà fait un projet dans l’ambiance science-fiction/espace/horreur à la Alien avec l’album Signals. Bien que la musique de ces films soit symphonique, un EP ou album inspirée de la saga initié par Lucas ça te tenterai ?
Ça peut être pas mal comme idée en effet, mais je pense qu’il va y avoir un paquet de ce genre de tribute.
Pour conclure quels sont tes derniers coups de cœur (Musique, Ciné, Jeux vidéos…) ?
L’an dernier, j’ai écouté pas mal de jazz, des artistes que je connaissais plus ou moins mais aussi des types que je ne connaissais pas comme Tom Scott. J’ai également écouté pas mal de Zapp and Roger et de Roger Troutman. En ce qui concerne les films, j’ai adoré American Sniper et It Follows, la musique était dingue. Sinon pour les jeux vidéos j’ai pas trop testé de nouveaux trucs, je reste dans les jeux de gestion comme Tropico…
L’album « The Hit » en écoute intégrale :
Jupiter- 8 est trouvable sur Bandcamp, Soundcloud, Youtube ou Facebook.